Prises en charge en M.A.S (maison d’accueil spécialisée) en art-thérapie médiation art-plastique, avec des séances individuelles de trente minutes toutes les deux semaines.
J’ai commencé en 2018 à accompagner des personnes polyhandicapées en M.A.S. J’étais aussi stagiaire auprès de Régine Razavet, art-thérapeute, en hôpital de jour auprès d’enfants autistes non-verbaux et non-entendants entre 2013 et 2014 pendant mes études. Son accompagnement m’a profondément marqué par sa disponibilité et présence corporelle. J’assistais à des scènes de rencontre, de jeu particulièrement touchantes. A cette même période, je travaillais comme remplaçante éducative (monitrice éducatrice) en foyer de vie pour personnes souffrant de psychoses et troubles psychiques associés. Enfin, mes dernières prises en charge étaient à l’hôpital de psychiatrie Mazurelle en Vendée dans deux M.A.S. en 2022.
J’apprécie prendre en charge ce public parce que la thérapie non-verbal, l’art-thérapie, prend tout son sens. L'expression du corps prend ici toute sa place. Les personnes souffrant de pathologies comme l’autisme, la psychose ou autre troubles psychiques associés m’amènent à ne jamais ‘’m’endormir’’ sur ma pratique, à me replacer, à me questionner souvent sur ma posture.
Même si je peux constater que la lassitude peut surgir souvent tant les difficultés du patient sont difficiles pour lui-même et celui qu’il rencontre. J’ai pu l’évoquer avec ma superviseur quand la lassitude prend place, le plus important ne serait-il pas de revenir à nos objectifs thérapeutiques et de s’en contenter ? Oui, certainement. Souvent la personne polyhandicapée a besoin surtout d’une relation sécurisante, contenante, limitante, d’une rencontre et d’un regard Autre.
Je vais vous partager les différents axes et objectifs thérapeutiques avec lesquels j’ai travaillé pendant ses prises en charges :
Interaction et relation sociale avec l’art-thérapeute
Une étude en 1981 a été mené sur les effets du bridge dans la réduction des symptômes de la démence qui a conclu que la variable indépendante la plus importante était la socialisation (plutôt que les capacités individuelles). Et enfin, être engagé socialement, ce n’est pas seulement être engagé dans l’ici et maintenant mais c’est aussi avoir un sentiment d’appartenance et de sécurité. p96, Guérir par delà les mots, Peter A.Levine.
Mobilisation et stimulation cognitive
La médiation par le jeu, la liberté de l’atelier, les thématiques et divers matériaux proposées par l’art-thérapeute activent les capacités et les connaissances des participants. Favoriser la concentration et l'autonomie peuvent être inclus dans ce grand objectif.
Renarcissisation
Confiance et Estime de soi
Prendre confiance en soi quand on a un parcours (une anamnèse) de vie difficile et complexe est un long chemin. Certains individus sont très exigeants, voir intransigeants avec eux-même et l’autre. Les limites relationnelles et celles du cadre thérapeutique sont primordiales pour faire exister la relation.
Verbalisation grâce à la médiation
Un patient exprime des choses alors qu’il vient de dessiner. Il s’exprime pendant qu'il crée sur des sujets qu'il affectionne particulièrement.
Expression de conflits psychiques verbalisés grâce à la médiation
Le patient exprime clairement son passé, ses relations dans l'institution ou encore sa relation à la mort par exemple. La matière l’amène à dialoguer, verbaliser, imaginer des objets ou des choses qu’il connait déjà. Des réminiscences peuvent surgir. Le rôle de l'art-thérapeute est de proposer un langage technique et métaphorique autour de la production. Les interprétations douteuses et jugement esthétiques sont absents du cadre art-thérapeutique.
Découverte de vocation
Le patient n’avait jamais pratiqué cette médiation. L'équipe éducative était sceptique sur sa prise en charge en art-thérapie mais il s’avère que le patient a des capacités créatives et artistiques surprenantes.
Favoriser un cadre et une relation art-thérapeutique contenante et limitée
Pour les personnes qui ont des difficultés spatio-temporelles, des angoisses de séparation : des difficultés à se séparer des objets, des individus et des temps d’activités.
Mobilisation corporelle et libération de tensions
Sensorialité
J’ai pu remarqué que le modelage de l’argile permettait de décharger le tonus musculaire et les tensions, les émotions (frustration, colère). L'action des gestes permet de rappeler des appuis et des ancrages corporels. Cela est particulièrement percutant pour des personnes qui peuvent avoir des troubles physiques, des maladies dégénératives, une hyper ou hypo-tonicité, des individus qui ont pratiqué un sport de manière intensive, des individus qui ont des stéréotypies ou qui font des séquences de gestes archaïques dans leur quotidien. Ces derniers vont pouvoir transformer ce geste symptomatique en geste créatif ( appuyer, assembler, construire, déconstruire, séparer, tirer, taper, écraser ...).
Canalisation de symptômes
Cet objectif est à prendre avec précaution et selon le contexte puisque l’art-thérapie n’a pas pour but de diminuer ou supprimer des symptômes qui permettent à l’individu de vivre avec son handicap.
Cependant, j’ai remarqué que l'association de la concentration en même temps que l'action (peindre, sculpter, dessiner) et la prise en compte des gestes stéréotypés comme signifiant (et non comme un problème) peut permettre de diminuer et transformer des gestes stéréotypés.
Je m'appuie sur mon expérience sur le terrain pour développer ses objectifs et sur l’échelle clinique de thérapies médiatisées: dessin, peinture, modelage, collage de Jean-Luc Sudres.
Mélodie Lutton
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