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Psychose et collage en art-thérapie

Les détails de lieu, de date et le nom du patient ont été changés pour préserver sa confidentialité.


Je vous partage l'accompagnement en art-thérapie de Nathalie. Depuis 2007, je travaille auprès de personnes atteintes de handicaps mentaux, psychiques ou moteurs.


Nathalie vit en foyer d'accueil médicalisé, elle est âgée de 55 ans. Elle a travaillé en tant que professeure de dessin, avant de développer des troubles psychiques. Nathalie présente une psychose et des troubles associés de type obsessionnels récurrents et anxieux.


Les objectifs thérapeutiques sont :

- Investir une activité stimulante et contenante (Nathalie n’investit pas une activité socio-éducative plus de 10 minutes).

- Valoriser Nathalie.

- Expression de conflits psychiques difficiles à verbaliser.

- Intégration sociale grâce à l'impact du groupe et du thérapeute.


La fréquence des séances se déroule deux fois par mois de 15h à 16h. Le groupe est constitué de quatre patients, avec l'art-thérapeute. Les Médiations proposées sont la peinture, le dessin et le collage.

CADRE


Nathalie a besoin de questionner le cadre, tant dans son contenu, dans sa durée et sa temporalité. Dès le début de la prise en charge, elle souhaite partir et revenir à sa guise au bout de 15 minutes. L’atelier d’art-thérapie permet à Nathalie de pouvoir être dans un cadre régulier et contenant. Je lui propose de pouvoir partir quand elle le souhaite, mais elle ne peut pas revenir une fois parti afin de préserver la concentration des autres participants. Au cours des mois, Nathalie assimile la différence entre un cadre éducatif et celui d’un cadre thérapeutique.


Nathalie sait attendre même quand elle est impatiente de partir, mais il lui arrive tout simplement de ne pas pouvoir être présente, car elle n’est pas mobilisable psychiquement. Je propose à Nathalie de venir aux séances même si elle n’a pas envie de faire. Elle peut venir dans l’atelier pour Être, sans forcément Faire. J’accueille Nathalie telle qu’elle est, sans attendre une production, et je lui laisse la liberté d’investir, selon ses possibilités. Nathalie patiente, parle, bavarde avec moi-même ou avec le groupe. Elle est très valorisante envers les productions des autres participants. Elle arrive dans l’atelier en refusant de faire et puis, généralement, elle essaye et expérimente.


Lors de la phase de création, Nathalie éprouve des difficultés à choisir ses outils, à continuer ou simplement terminer ses productions. Ces réalisations ne sont jamais vraiment terminées, elle veut en créer une autre, sans terminer la précédente. Elle se disperse et abandonne rapidement. En tant qu'ancien professeur, Nathalie a une exigence envers la technique et ce qu’elle a transmis à ses anciens élèves. Elle dit aimer peindre d’après modèle. Seulement, je m’aperçois que ses exigences et la copie libre d’un modèle la mettent en échec. La relation entre son intention et le résultat est décevante et elle dévalorise sa production. Elle tremble aussi quand elle dessine ou peint. Les images modèles qu'elles utilisent sont surement inspirantes mais ils l’amènent à éprouver de fortes angoisses et une exigence qui dépassent ses capacités motrices actuelles.


COLLAGE



Nathalie arrive à l'atelier avec une idée précise :

- « Je veux faire un cimetière. Je pense à la mort.»

Elle me partage ses idées sur son propre enterrement et son testament. Elle prend des pastels, mélange avec de la peinture et des crayons, puis reprend des pastels. Je la laisse traverser ses expérimentations. Elle dessine au centre de sa grande feuille un chemin avec trois petites tombes, elle tremble beaucoup. Elle se reproche le manque de proportions, en relation à la perspective. À la séance suivante, elle continue son dessin, elle évoque les pompes funèbres et des factures à régler. Malgré ses angoisses morbides, Nathalie commence à chercher dans un magazine et colle une image de statue asiatique, celle-ci est au-dessus du cimetière. Elle surplombe le paysage. Elle range son dessin dans sa pochette. Quelques séances plus tard, Nathalie déchirera ce dessin/collage et le met à la poubelle. Lorsque Nathalie prend distance sur ses dessins, elle ne supporte plus son trait et son style. Elle sait qu'elle n'a plus les mêmes capacités techniques. Elle trouve que ses capacités d’expression ont changé et que cela ne ressemble pas à ce qu’elle faisait quand elle était jeune.


À partir de cette période, Nathalie commence à accepter ma proposition de s’orienter vers du collage, en vue de lui apporter plus de satisfaction par rapport au résultats esthétiques. Nathalie a tendance à se disperser dans ses outils, j’entrevois cette médiation comme l’une des plus adéquate, pour lui permettre de se rassembler.


Il y a toujours à disposition des magazines et un sac avec des papiers variés dans l'atelier.

Ce jour là Nathalie est dans un état apathique. Mais elle se lève de sa chaise et cherche dans le sac à magazine. Elle tombe sur des enveloppes vierges dans lesquelles il y a quelques morceaux géométriques découpés. Puis, elle commence à échanger avec moi au sujet de l’absence de sa tante décédée. Elle commence la conversation en me demandant :

- « Est-ce que c’est la fête des mères aujourd’hui ? ». questionne Nathalie.

- « Nous sommes au mois de mars.» . dis-je.

- « Ma tante m’a élevée comme ma propre mère, elle s’est beaucoup occupée de moi, elle a tout fait pour que chacun se marie, mais tout le monde a divorcé ».

- "Divorcer est assez commun à notre époque. Ce n'est plus vu comme un échec comme autrefois.»


Nathalie prend une enveloppe et colle 3 morceaux de couleurs, déjà coupés géométriquement, elle les colle les uns sur les autres, à la place du timbre. Elle souhaite l’adresser à sa tante. Elle écrit sur l’enveloppe : « Bonne fête tante Odette, pour cette année 2014. Nathalie ». Elle souhaite disposer un papier vierge à l’intérieur, et me demande mon aide. Je l’accompagne dans la découpe. Elle le glisse à l’intérieur de l’enveloppe. Soudainement, elle me dit :

- « C’est idiot, je ne pourrais jamais l’envoyer ! ».

- « Ce n'est pas possible, en effet, mais dans le cadre de l’atelier d’art-thérapie, il est possible de réaliser une enveloppe pour un défunt.»

Ma réponse semble lui convenir. Elle sourit.

Elle laisse soigneusement cette enveloppe dans sa pochette. Elle cherche deux pinces pour bien fermer sa pochette et s’en va.


Nathalie se questionne sur ce qui peut être produit en art-thérapie, et elle accepte le processus qui en découle. Elle se rend bien compte que sa tante ne recevra pas physiquement l’objet puisqu’elle est décédée. Cette enveloppe contient un message symbolique adressée à une défunte. Comme un rituel. Ce jour-là, Nathalie a pu évoquer l’absence d’une figure maternelle (encore bien présente pour elle).


BILAN


Lors des bilans, le patient est libre de choisir si les réalisations restent dans l’atelier ou s’il peut les emporter. Nathalie veut que ses productions restent protégées et sécurisées dans l’atelier. Elle regarde souvent au début des séances ses réalisations, comme des pièces maitresses de son processus art-thérapeutique. Elle ne les détruit plus. Sa pochette destinée seulement aux séances d’art-thérapie lui permet de contenir ses réussites, et à la fois ses élans de destruction. Les réalisations qu'elles gardent dans sa pochette ne sont pas faits d’après modèles, la plupart des collages réalisés sans grandes difficultés psychomotrices. Ceux-ci représentent vraiment des moments agréables, ou elle n’était pas angoissée, disposée à lâcher prise sur ses exigences passées.


Nathalie s'est vraiment investi et sa concentration s'est accrue. À partir de 5 séances, sa concentration augmente et son investissement s’accentue, elle reste des séances entières parce qu'elle a le choix d'être présente et de participer en valorisant les autres. La prise en charge en art-thérapie de Nathalie s’adapte à son état particulier. Le cadre thérapeutique et moi-même restons toujours accueillant. En même temps, le cadre de l'atelier impose des limites, des freins nécessaires.



Mélodie Lutton art-thérapie psy périgueux





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